Au cours de ce siècle de
révolutions industrielles et scientifiques qui transforment la vie
quotidienne, quelques hommes ont semé les inventions qui peuplent
notre univers. Pionniers certes, mais ni héros, ni démiurges,
ils ont influencé durablement le XXème siècle en inventant
les objets de notre quotidien, mais également en modifiant notre
vision du monde. Ferdinand Braun fait partie de ceux-ci.
Il existe trés peu de documents, lettres ou documents autobiographiques écrits de sa main. Ses collaborateurs - plus tard, le professeur Jonathan Zenneck deviendra directeur du Deutsches Museum de Munich et écrira une courte biographie du professeur qu'il vénérait pendant ses années à Strasbourg - parlent cependant de lui avec beaucoup de respect: homme jovial et souriant, il était connu pour ses blagues et ses manières simples. Cependant, il semblait accorder une grande part à la tradition universitaire et au respect hiérarchique des personnes. Autre chose ?
Derrière le destin de cet
homme, c'est celui d'une région, l'Alsace, tantôt allemande,
tantôt française, qui se profile. L'oubli de Ferdinand Braun,
de cet homme manifestement simple mais ambitieux, c'est celui d'une histoire
qui ne serait pas la nôtre parce que celle d'une autre nation.
F. Braun à Strasbourg, entouré de J. Zenneck et
M. Cantor
Des débuts prometteurs
Ferdinand Braun est né le 6 juin 1850 à Fulda, une ville allemande proche de Marbourg. Fils de clerc de notaire et vivant dans une famille nombreuse, il débute ses études brillamment. Il bénéficie d'une bourse qui lui permet de commencer des études des études de physique à Berlin à partir de 18 ans. Commence alors pour Ferdinand Braun les voyages qui le mèneront de postes en promotions universitaires, de la physique théorique à la physique expérimentale. En moins de 17 ans, Ferdinand Braun exerce dans six universités différentes pour autant de postes ou presque. Il franchit les échelons un par un, d'étudiant berlinois (1869) au titre de titulaire de la chaire de physique de Tübingen (1885). Entre-temps, il est assistant à Würzburg et à Strasbourg, professeur de lycée à Leipzig, professeur associé à Marbourg puis professeur à Karlsruhe. Ses pérégrinations lui permettent d'apprendre son métier de scientifique et il acquiert ainsi des notions de physique fondamentale trés solides.
En 1874, Ferdinand Braun est à
Leipzig et rêve déjà d'une carrière en physique
expérimentale. Il peut réaliser des expériences, mais
dans un laboratoire de misère, c'est déjà ça.
Bien sûr, comme beaucoup de ses comtemporains, il s'intéresse
à la conduction de l'électricité dans différents
milieux et s'essaie aux cristaux de sulfures métalliques. Il remarque
que, selon la façon dont on place le cristal, il conduit ou ne conduit
plus l'électricité, mais surtout que l'électricité
n'est conduite que dans un seul sens. C'est la première découverte
de l'effet dit redresseur des ces cristaux. Parmi ces cristaux, rappelez-vous
du sulfure de plomb, ou galène, qui permettra à Braun d'imaginer
le fameux "poste à galène" du début du siècle.
Des promotions qui s'enchainent bien
La physique théorique reste
au XIXème siècle une bien piètre promotion pour un
jeune professeur brillant et ambitieux: pour réaliser ses desseins,
il doit devenir responsable d'une chaire de physique expérimentale.
La chance lui sourit et il est nommé dès 1883 professeur
à Karlsruhe - où il fut ainsi le prédécesseur
de Heinrich Hertz - puis en 1885 professeur à Tübingen. Durant
cette période, c'est aux mondes de l'université et de l'industrie
que Ferdinand Braun apprend à se frotter.
En effet, la période de
dix ans qu'il passe à Tübingen lui permet de rénover
l'enseignement et de créer de toute pièce le nouvel Institut
de Physique. Il participe ainsi à l'effort de restructuration des
universités allemandes de la fin du siècle, modifiant les
enseignements et ajoutant au cursus un grand nombre de matières
liées à l'électricité. Aux autorités,
il montre là qu'il est capable de diriger un institut universitaire,
de le rénover en l'adaptant aux disciplines de son temps, particulièrement
l'étude des phénomes électriques.
D'autre part, cette période
lui permet de déposer des brevets de matériel électrique
qu'il met au point, et que son frère commercialise. Cette incursion
dans le domaine industriel lui apprend la façon d'écrire
un brevet, comment il doit être présenté, faisant ainsi
un véritable effort dans ce qu'on appellera plus tard "la recherche
et le développement". Rappelons-nous que cette démarche n'avait
rien d'évident à l'époque pour des chercheurs universitaires.
Par comparaison, on peut se rappeler que Röntgen, quelques années
plus tard, ne déposera aucun brevet pour l'invention du tube à
rayons X.