Naître en Allemagne en 1850... cela ne signifie
rien, car il faut attendre 1870 pour que l'Allemagne existe vraiment, lorsque
bismarck en effectue la réunification. Ferdinand Braun est né
dans un milieu relativement pauvre et vécut à une époque
où aucune technique liée a l'électricité n'était
appliquée. L'ambition du jeune Ferdinand était probablement
de devenir fonctionnaire, gratte-papier dans un bureau ou, si les conditions
le permettaient, de pouvoir aspirer à une vie plus confortable,
bourgeoise et conservatrice : bref, devenir professeur. On est loin de
la grande aventure scientifique, de la conquête de l'électricité
et de la communication !
L'héritage de l'homme de sciences au XIXème siècle
L'héritage du XVIIIème siècle
fait d'un homme de science un "touche-à-tout". Le plus souvent professeur,
parfois ecclésiastique, c'est un érudit qui connait la théologie,
la philosophie et souvent des écrits scientifiques de l'antiquité.
Ce qu'il recherche, c'est "comprendre le monde". Il y a dans sa démarche
une part de métaphysique et de cosmologie, teintée parfois de
mysticisme. On est loin du chercheur extrêmement spécialisé
qu'on rencontre dans nos laboratoires comtemporains; le chercheur du XVIIIème
siècle développe jusqu'au bout une théorie générale,
en expérimentant et en calculant pour étayer ses dires.
Cet homme curieux (il y avait extrêmement
peu de femmes scientifiques à cette époque) n'a pas toujours intégré
une logique déterministe dont Newton est le symbole. En utilisant et
en inventant de nouvelles théories mathématiques, Newton montre
une nouvelle voie scientifique et métaphysique dans son premier livre
daté de 1687 "Principes mathématiques de philosophie naturelle".
C'est le monde de la théorie, du calcul, et de l'astronomie qui se trouve
bouleversé. Cependant, Newton n'a pas uniquement oeuvré dans le
monde de l'abstraction: il a également publié en 1704 un "Traité
d'optique", qui ne traite pratiquement que d'expériences, ouvrant ainsi
la voie à l'expérimentation en physique.
L'électricité et le magnétisme
La première moitié du XIXème
siècle voit apparaitre de nouveaux travaux sur des phénomènes
longtemps inexpliqués: l'électricité et le magnétisme.
Lorsque l'expérimentateur Oersted découvre en 1820 qu'une aiguille
de boussole est déviée par le passage d'un courant électrique
dans un fil, il ne se doute pas qu'on parlerait de lui encore 180 ans aprés,
mais surtout qu'il ouvrirait la voie aux grandes découvertes du XIXème
siècle. En moins d'une semaine Ampère put développer à
partir de ces observations une théorie de l'électricité.
Par la suite, d'autres savants, en particulier Faraday (1791-1867), complétèrent
de façon surtout expérimentale le sujet de l'électricité
. L'électricité et le magnétisme étaient donc des
sujets à la fois nouveaux et passionnants pour les jeunes étudiants
de toutes les universités: Ferdinand Braun ne faillit pas à la
règle et choisit la voie de l'électromagnétisme qui lui
apportera tant.
Une nation est née
Durant la première moitié du
XIXème siècle, la France était une grande puissance, malgré
les guerres napoléoniennes. L'Angleterre, dans le camp des vainqueurs
décollait vers un impérialisme politique, colonial, technique
et financier. Les Etats-Unis, quand à eux, n'avaient encore que le statut
d'un pays en voie de développement. L'ambition de la plupart des allemands
était de former une seule nation... ce qui finit par arriver en 1870
au détriment de la France, de l'Alsace et de la Lorraine en particulier
qui furent annexées. Dans ce nouveau pays, de vieilles universités
se reformaient, de nouvelles se construisaient et enseignaient les sciences
les plus récentes dans tous les domaines. Ferdinand Braun a vécu
cette transformation et en a largement profité: cette transformation
de l'Allemagne lui a permis de devenir professeur à la nouvelle université
de Strasbourg.
F. Braun à l'université de Strasbourg
Une nouvelle industrie bat son plein
L'industrialisation va de pair avec les ambitions
politiques des nations et la progression des profits capitalistes. Ainsi, les
industriels devaient produire plus et moins cher, ce qui nécessitait
à la fois une augmentation de la masse travailleuse, mais surtout l'utilisation
d'une énergie nouvelle et bon marché. Le XIXème siècle
a ainsi permis le développement de la machine à vapeur, basée
sur l'utilisation de l'énergie primaire du charbon, et ce sans connaissance
réelle de la science de la chaleur, de façon indépendante,
en utilisant quelques bases scientifiques simples.
De là, une énorme pression pour
le développement des moyens de transformation de l'énergie.
Les inventeurs, à l'origine de ces nouvelles technologies, ont appris
à cette époque à déposer des brevets afin d'être
rémunérés. Parallèlement, c'est également
le maintien du secret industriel qui se développe.
La physique, quand à elle, se développe
presque sans liens avec l'industrie, qui elle ne l'utilise que dans la mesure
où elle peut lui être profitable. Par contre, la chimie se développe
à une vitesse exrêmement rapide, et permet le développement
des grandes industries chimiques et pharmaceutiques... mais ceci est une autre
histoire.
Un besoin pressant de communication
Fabriquer, c'est vendre. Le vendeur, l'entrepreneur
ou l'homme politique voyage et doit communiquer,les états veulent transporter
leurs armées et les états majors désirent commander leurs
troupes à distance. D'où la nécessité de développer
les transports mais aussi des moyens de télécommunication à
distance qui seraient le plus rapide possible et le moins sensible aux aléas
divers, surtout climatiques.
Durant le XIXème siècle, des réponses
technologiques diverses apparaissent. Tout d'abord, le télégraphe
Chappe, premier réseau cohérent d'échange d'informations
par la voie des airs, représente en 1840 plus de 4000 km de lignes à
travers toute la France. Ensuite l'invention du télégraphe avec
fils par Morse et Wheatstone en 1837, permet d'aller beaucoup plus loin et beaucoup
plus vite. L'invention de la téléphonie par Graham Bell en 1876
amplifiera cette course aux technologies de la communication dont nous voyons
les effets aujourd'hui. C'est cette course effrénée et implacable
à laquelle a participé Ferdinand Braun. Un des grands inventeurs,
précurseur de notre société dite de l'information, est
ignoré de tous, probablement plus que tout autre.
Expo Braun, Strasbourg 1997